Dans un contexte de crise sanitaire et sociale sans précédent, l’association française des Petits Frères des Pauvres publie son 4e rapport sur l’isolement et la solitude des personnes âgées, consacré cette année aux effets du confinement sur les personnes de plus de 60 ans.
Quels sont les enseignements les plus marquants de cette étude réalisée par CSA Research ?
L’éclairage de Jean-Louis Wathy, directeur adjoint de l’association Petits Frères des Pauvres en France
- Les effets du confinement sur les personnes âgées mettent en exergue les dangers de l’isolement social
Le rapport souligne les dangers de l’isolement social pour les personnes. L’arrêt des activités et donc la coupure du lien social a mis en lumière les conséquences de l’isolement sur la santé morale et physique des personnes âgées.
Cette étude quantitative (1503 personnes âgées de 60 ans et plus) et qualitative (12 entretiens de personnes accompagnées par l’Association) réalisée par CSA Research montre que 41% des personnes âgées mentionnent une dégradation de leur santé morale et 31% disent constater une dégradation de leur santé physique.
Les conséquences du confinement vont être durables. Des personnes qui sortaient auparavant, n’osent plus le faire ou ont du mal à pouvoir le faire, même avec un matériel d’aide. Donc elles s’enferment encore plus et c’est une spirale de l’enfermement. Le lien social, l’insertion de la personne dans le quartier, est un enjeu majeur.
- La mobilisation citoyenne a été particulièrement forte pendant la crise mais les personnes âgées craignent qu’elle ne dure pas dans le temps
On a pu constater un fort souhait d’engagement de la population française. 300 000 personnes se sont inscrites spontanément sur le site mis en place par le gouvernement pour offrir leur temps pendant cette période. Cet élan de solidarité montre des nouvelles formes d’aide, notamment pour des coups de main ponctuels.
On constate que des personnes par centaines de milliers pourraient faire des choses ou en ont fait, sans le dire et sans inscription. La solidarité active existe.
Cependant 62% des personnes âgées pensent que ceci ne va pas durer dans le temps. Les personnes âgées ont été mises à l’écart de la société et elles pensent que le fait de les reconsidérer n’est pas possible. Ceci est inquiétant de voir qu’elles ne croient pas en leur réinstallation dans la société.
De même les personnes âgées sont très contentes de voir qu’à travers cette crise on a beaucoup parlé d’elles, mais pour faire quoi, est ce que ceci va perdurer ? Elles n’en sont pas convaincues.
Avec cette crise, l’isolement est en tout cas devenu un sujet majeur. L’enjeu futur pour les associations comme la nôtre est comment mobiliser les politiques et les citoyens dans la lutte contre l’isolement des personnes âgées.
En France une loi sur la prise en charge de la perte d’autonomie est en préparation. La question de l’isolement social va y être introduite à la suite de la période de confinement.
Les pouvoirs publics ne pourront pas agir par un dispositif de plus, mais ils peuvent soutenir le monde associatif. Les associations doivent s’organiser pour accueillir plus facilement les bénévoles, construire des parcours d’engagement, avoir plus d’équipes sur le terrain et mettre en place des coordinations territoriales pour soutenir des petits groupes qui seraient engagés dans la lutte contre l’isolement et en faveur du lien social des aînés.
Le lien social des aînés renvoie aussi vers la question du lien entre les générations. Dans ce lien entre générations, Petits Frères des Pauvres pense que le sujet « fin de vie « est aussi un point incontournable. On voit le vieillissement comme une peur, il faut que la fin de vie fasse partie de notre environnement. Qu’on ne place plus les personnes âgées à l’écart de la ville. Qu’on n’ait plus peur de parler de la mort.
Cette crise a accentué l’enfermement des personnes âgées, et pour celles qui sont décédées, l’accompagnement n’a souvent pas pu se faire normalement. Pour créer du lien entre les générations et pour que nos générations voient l’avenir sereinement, il ne faut plus que la fin de vie soit cachée. Il faut qu’elle soit au cœur de nos quartiers, de nos villes. Peut-être en créant des petites unités de vie en proximité…
Cette période de confinement a mis en lumière que beaucoup de choses doivent changer dans notre société pour faire reculer le phénomène d’isolement des personnes âgées ; l’association des Petits Frères des Pauvres s’engage à être présente pour que ce nouvel élan ait lieu. «